Chutes : ce qui les provoque, ce qui les prévient
Comment le pharmacien et son équipe peuvent-ils prévenir la chute au domicile ? C’est l’angle choisi par Thierry Barthelmé, président de l’UTIP et titulaire d’officine, pour son intervention au Congrès des pharmaciens de Cannes-Mandelieu le 18 octobre.
« La chute est un marqueur de ruptures. Et la première en entraînera d’autres, indique-t-il. Les chutes peuvent entraîner une hospitalisation en urgence et avoir de nombreuses conséquences, notamment au plan comportemental. Une peur, une perte de confiance peuvent en découler. »
Les chutes peuvent être occasionnées par la prise de médicaments, tels que psychotropes, antihypertenseurs, anti-arythmiques ou sulfamides hypoglycémiants et être favorisées par la polymédication. Certaines pathologies présentent un risque de chute, qu’elles soient cognitives, sensitives ou motrices : maladie de Parkinson, démences, dépression, incontinence, ostéoporose…
Attention au chien
Pour les prévenir, Thierry Barthelmé incite les pharmaciens à évaluer, à distance ou sur place, l’environnement de la personne âgée. Les tapis et descentes de lit ont un effet délétère, les seuils, marches et sols glissants sont propices aux chutes. Attention également à l’encombrement et aux déplacements d’objets par des tiers. « Ne déplacez jamais les meubles, au risque de désorienter la personne. Et ce qui était classé en haut quand on est jeune le reste quand on est vieux ! » Une précaution est portée aux fils électriques et au tuyau d’arrosage qui traîne dans le jardin. Au niveau des accessoires, des lunettes de vue inadaptées ou le port de chaussures mal ajustées sont facteurs de chutes. Côté animaux de compagnie, « un chien peut favoriser la marche, mais attention à la taille du chien ! », rappelle Thierry Barthelmé.
Préférer la douche
L’officine peut proposer différentes solutions pour éviter les chutes. Et tout d’abord des déambulateurs, des cannes tri et quadripodes. Au domicile, un lit médicalisé, des chaises garde-robe, une table de malade, des fauteuils adaptés, des barres d’appui dans les toilettes et la salle de bains, seront utiles. Des barrières peuvent être installées sur les lits ou les escaliers. « Les douches sont préférées aux baignoires. On y installera de plus un tapis antidérapant. » Le pharmacien recommande d’effectuer une liste des numéros d’urgence sur le téléphone portable et éventuellement d’équiper le domicile des téléalarmes.
Effets indésirables : peu spécifiques et peu signalés
« Les effets indésirables sont deux fois plus fréquents après 65 ans », indique Marie-Claude Guelfi, pharmacien-chef à l’hôpital Sainte-Perrine (Paris), le samedi 18 octobre2014 au Congrès national des pharmaciens de Cannes-Mandelieu.
Ces effets iatrogènes surviennent dans deux types de circonstances. D’abord lors d’un changement de traitement médicamenteux : ajout, augmentation de dose, automédication, changement de traitement et notamment dans le cas de la substitution par des marques de génériques différentes. Ces effets peuvent également survenir lors d’un changement dans la vie de la personne âgée : hospitalisation, maladie aigüe, déménagement, séparation, deuil, perte de poids, forte chaleur.
Effets inaperçus
La difficulté du diagnostic vient du fait que les symptômes sont finalement peu spécifiques. Ils peuvent donner lieu à une chute, un syndrome confusionnel, des troubles digestifs, une asthénie, un malaise… Mineurs, ils peuvent passer inaperçus, mis sur le compte du vieillissement. Et ces effets indésirables se perdent souvent dans de nombreuses plaintes somatiques. « Les deux tiers des effets indésirables ne sont pas signalés par les personnes âgées », estime Marie-Claude Guelfi.
Grippe : un senior sur deux se fera vacciner
La moitié de la population âgée de 65 ans et plus se fera vacciner cet hiver. C’est l’un des constats d’un baromètre annuel réalisé en septembre par l’institut IFOP pour le groupe PHR (population représentative de 1001 individus). L’intention de ne pas se faire vacciner atteint plus de 70 % dans la population générale. Chez les 65 ans et plus, elle est donc de 53 %, contre 58 % en 2013 et 75 % en 2012. « Avant 2009 et le risque d’épidémie de la grippe H1N1, la couverture des plus de 70 ans était de 70 % », indique Christophe Trivalle, médecin gériatre à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif (Val-de-Marne).
Près de 2000 décès évités
Pour refuser la vaccination, les personnes évoquent principalement son inutilité ou les risques pour la santé qui lui seraient associés. Pourtant, pour la catégorie des 65 ans et plus, la vaccination contre la grippe est gratuite et permet d’éviter environ 2000 décès par an. « Ce chiffre est très variable d’une année sur l’autre. Cela dépend des virus. Certains sont très contagieux et pathogènes. Notamment le virus H3N2. Et l’on ne sait pas à l’avance quels sont ceux qui vont circuler. »
Les données biologiques manquent à l’analyse pharmaceutique
Les officinaux devraient-ils avoir accès aux données biologiques des patients ? « La clairance à la créatinine n’est jamais indiquée sur l’ordonnance d’un patient âgé. Le résultat importe peu au comptoir, mais nous pourrions au moins nous assurer qu’elle a été réalisée », indique Thierry Barthelmé, président de l’UTIP, lors de la table ronde sur le suivi de la personne âgée organisée le 18 octobre au Congrès national des pharmaciens, à Cannes-Mandelieu . Mais, relève-t-il, le poids et l’âge ne sont déjà pas systématiquement mentionnés…
Une avancée avec les soins de proximité
Quant à accéder à des données biologiques, Philippe Gaertner, président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), précise que les négociations en cours avec les autres professionnels de santé et l’Assurance maladie pourraient ouvrir cette possibilité. « Cela concernerait certains examens biologiques pour la dizaine de profils de patients qui pourront être pris en charge de manière coordonnée. » Philippe Gaertner estime que le dossier médical partagé (DMP), dont le chantier est désormais confié à l’Assurance maladie pourra être le support de cet échange d’informations.
Fin de vie : bientôt une clause de conscience pour le pharmacien ?
Le pharmacien peut-il faire valoir une clause de conscience lorsqu’il doit délivrer un médicament susceptible d’intervenir dans le cadre de la fin de vie d’un patient ? Pas pour l’instant. Mais l’ordre des pharmaciens envisage cette possibilité. « J’ambitionne de faire bouger les lignes sur cette question difficile, indique Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre, dans un entretien au Moniteur des pharmacies daté du 11 octobre 2014. Il ne s’agit pas de laisser un patient sans soins pharmaceutiques mais de l’adresser à un confrère, si on ne veut pas, pour des raisons de conscience, le prendre en charge ».
Un désaccord avec le médecin
Il s’agit en particulier de l’exécution d’une ordonnance instaurant une sédation profonde jusqu’au décès, en phase terminale ou en cas de demande du patient lui-même. « Les pharmaciens sont de plus en plus amenés à travailler en coordination avec médecins et infirmières au domicile du patient, souligne Jean-Philippe Delsart, président de l’association française des pharmaciens catholiques (AFPC). Dans ce cadre, si un pharmacien constate qu’il y a des risques de dérapage, qu’un médecin veut accélérer le cours des choses, il doit bénéficier d’une objection de conscience et dire qu’il n’est pas d’accord pour délivrer tel ou tel médicament. » Ce droit de retrait, évoqué au nom de la morale personnelle ou pour des motifs religieux, se distinguerait du refus de délivrance auquel peuvent avoir recours les pharmaciens lorsqu’ils jugent une ordonnance litigieuse. Ils peuvent refuser la dispensation de médicaments, après échange avec le médecin et en le prévenant de cette décision, au motif du caractère dangereux de la prescription pour le patient.