Lancement du Cercle pour l’observance des patients âgés
Le Cercle pour l’observance des patients âgés rassemble des pharmaciens d’officine désireux de partager leurs pratiques et leur expérience.
Covid-19 et diabète : que dire aux patients ?
Dans le cadre de l’épidémie à covid-19, les patients diabétiques doivent recevoir des conseils sur la prise de leur traitement et sur leur alimentation.
Covid-19 : que dire aux patients hypertendus ?
Pendant la période de confinement, les patients chroniques ont déserté les cabinets médicaux et ont fait usage de l’autorisation temporaire de renouvellement d’une prescription expirée par une pharmacie d’officine. Mais quelles recommandations donner aux patients hypertendus qui s’inquiètent d’être contaminés par le covid-19 ?
La question se pose d’autant plus qu’une étude italienne a montré que 73 % des patients décédés du fait de l’infection souffraient d’hypertension artérielle (HTA) (1).
Concernant ces patients, il n’y a pas de preuve établie que l’HTA soit elle-même associée à un risque accru d’infection (2). Certains scientifiques supposent que ce sont les lésions endothéliales qu’elle occasionne qui peuvent être un facteur favorisant de l’infection (3).
Il est recommandé de poursuivre son traitement antihypertenseur, y compris lorsque celui-ci comprend des médicaments bloquant le système rénine-angiotensine. En effet, il a été supposé que lorsqu’il contamine les cellules, le virus Sars-Cov-2 se lie à l’enzyme de conversion de l’angiotensine II. Or les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II ou sartans) augmentent le taux d’angiotensine II, ce qui aurait pour effet d’accélérer le processus infectieux. Trois nouvelles études publiées le 1er mai 2020 dans le New England Journal of Medecine prennent le contrepied de cette thèse en concluant que ces médicaments n’ont aucun impact sur le risque d’être infecté ou sur la sévérité des symptômes (4).
Ainsi, à ce jour, les patients infectés et stables, de même que les patients à risque doivent poursuivre ce traitement (2). Il sera suspendu au cas par cas sur décision médicale selon la sévérité des symptômes. Il est toutefois recommandé aux médecins de ne pas initier de traitements avec ces molécules dans la période actuelle. A noter que les données disponibles à ce jour ne soutiennent pas une utilisation différentielle des IEC par rapport aux sartans chez les patients atteints par le covid-19. Les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques prescrits dans l’HTA ne doivent pas non plus être suspendus.
Par ailleurs, il n’est pas établi à ce jour que le covid-19 soit un facteur d’aggravation d’une HTA (3).
Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, consultant en gérontologie
Sources :
(1) Institut supérieur de la santé. Etude intégrant 6 801 patients décédés du covid-19. 26 mars 2020.
(2) Société européenne d’hypertension. Déclaration du 12 mars 2020.
(3) Vidal Live. Intervention du Pr Alain Baumelou. 8 avril 2020.
(4) The New England Journal of Medecine. Renin-Angiotensin-Aldosterone System Inhibitors and Risk of Covid-19. May 1, 2020.
Seniors : l’activité sexuelle n’a que des bénéfices
Le pianiste américain Arthur Rubinstein est décédé en 1982 à l’âge de 95 ans. Dans ses dernières années, il avait moins de dextérité pour jouer. « Je m’entraîne chaque jour sur un répertoire qui s’est restreint. Je ne suis plus aussi rapide alors je marque des temps d’arrêt, je joue davantage avec les émotions », expliquait-il. Cette expérience d’homme de génie vieillissant, le Dr Marie-Hélène Colson la rapproche de la vie affective et sexuelle des seniors. « Elle est toujours là, mais elle s’adapte. De nouvelles ressources la rendent plus forte qu’elle ne pouvait l’être », a développé ce médecin sexologue lors du 12e colloque Approches non médicamenteuses le 14 novembre à Paris. A propos des personnes âgées, les croyances populaires peuvent se résumer ainsi : elles n’ont pas de désirs sexuels, elles ne sont pas attirantes donc pas désirables, leur pratique sexuelle peut être douloureuse…
L’orgasme ou le sentiment d’exister
Selon le Dr Colson, avoir un corps vieux ou malade en même temps qu’une vie sexuelle c’est préserver un sentiment de normalité alors que sous bien d’autres aspects la vie est bouleversée. « Parmi les mouvements réparateurs, l’orgasme est certainement le meilleur reconstituant du sentiment d’exister, en particulier quand il s’agit de compenser un certain déficit corporel », explique la sexologue. Dans ce contexte, conserver des rapports sexuels fréquents permettrait d’augmenter l’espérance de vie et de maintien en bonne santé principalement chez les sujets âgés ou souffrant de pathologies chroniques. Ce serait aussi un facteur d’amélioration de pathologies sous-jacentes : diabète, troubles du bas appareil urinaire, cancers, etc. Au plan physique, pratiquer une activité sexuelle, c’est déclencher la sécrétion de nombreuses hormones participant à l’équilibre et au bien-être : lutte contre le stress et la dépression (dopamine et ocytocine), stimulants (adrénaline et cortisol), euphorisants et relaxants (endorphines et ocytocine), sommeil (mélatonine), antidouleur (endorphines, ocytocine, mélatonine), renforcement de l’immunité (DHEA, ocytocine)…
Aborder le sujet et rassurer
Les professionnels de santé peuvent s’impliquer dans cette préservation de l’équilibre physique et psychique du patient. Nul besoin d’être sexologue ou psychologue. Tout d’abord, ne pas sous-estimer l’importance du simple fait d’aborder cette question. Puis il faut être en capacité d’aborder le sujet librement, en adaptant son discours et, lorsque l’on sent son adhésion, en faisant comprendre à son interlocuteur qu’avec l’âge, la sexualité peut se vivre différemment, en mettant l’accent sur un partage affectif, les caresses, la sensualité. « Il peut y avoir orgasme sans érection, pénétration, ni même éjaculation », indique le Dr Colson. Il faut savoir expliquer les répercussions de la maladie sur la sexualité. Et préciser que dans de nombreux cas, les troubles sexuels ne sont pas définitifs et peuvent être dépassés s’ils sont traités avec patience et persévérance.
Par Matthieu Vandendriessche, consultant & formateur en gérontologie, docteur en pharmacie
EN BREF
- Maintenue chez la personne âgée, la sexualité peut prendre une dimension plus affective que physique. Elle est un facteur favorable à l’espérance de vie, par une amélioration de l’estime de soi, de la confiance en soi, du bien-être et de l’équilibre.
- Les professionnels de santé ne doivent pas négliger l’impact positif sur le patient de l’évocation de ce sujet et de la suggestion de maintenir une vie sexuelle malgré l’âge et/ou la maladie.
Maladie d’Alzheimer : comment mieux communiquer avec le patient ?
Comment communiquer auprès de patients atteints de maladies neurocognitives ? Une question incontournable en gérontologie abordée par le Dr Sylvie Pariel, responsable du département des soins ambulatoires à l’hôpital Charles Foix d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), lors du colloque « Nouvelles approches des maladies neurocognitives » organisé mardi 21 mai à Paris.
Les patients touchés par le déclin cognitif et notamment la maladie d’Alzheimer éprouvent des difficultés dans la compréhension des messages et le traitement des informations.
Cela nécessite donc, pour le soignant qui s’adresse à ces patients :
Sur le fond :
- D’expliquer au maximum la situation, ce qui est en train de se passer, afin de limiter la survenue de troubles du comportement au cours de la consultation.
- De se recentrer sur ce que sont les préoccupations des patients.
- De ne dispenser qu’un seul message à la fois et le répéter si nécessaire d’une autre manière, en utilisant des mots simples pour être compréhensible.
Sur la forme :
- Parler avec le patient et pas seulement avec l’aidant qui l’accompagne.
- Montrer en même temps que de parler, au moyen de gestes simples et doux.
- Etablir un contact visuel avec le patient et parler à même hauteur que lui (pas de rapport descendant comme lors des visites médicales en chambre).
- Ne jamais monter le ton, parler posément.
- Prendre le temps, rester calme.
- Respecter un espace interpersonnel et ne pas forcément toucher le patient.
Lors de consultations mémoire, le patient est accompagné d’un ou de plusieurs aidants et le médecin doit aussi développer une communication adaptée à leur égard. Souvent, l’aidant s’épuise, souffre d’isolement social, de troubles dépressifs et éprouve en outre de la culpabilité de ne pas savoir gérer les situations. Il n’adopte pas forcément les bonnes attitudes, par méconnaissance de la maladie et peut aggraver les troubles du comportement chez le patient qu’il accompagne. Menaces et propos négatifs (« si tu ne manges pas, je ne viendrai pas te voir la semaine prochaine » ou « tu fais n’importe quoi, comment veux-tu aller mieux ? ») sont à proscrire. Des programmes d’éducation thérapeutique sont ainsi dispensés aux proches aidants.
Exerçant également à l’hôpital Charles Foix, le Dr Christophe Bouché estime pour sa part que « parfois respecter le patient, le faire exister, c’est lui répondre sèchement ». Pour ce psychiatre qui s’est exprimé lors du colloque sur le thème de la violence des patients envers les soignants, « plus on est cohérent avec un patient, plus il sera rassuré. Le problème est quand il n’y a pas de limites ».
Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil & formation en gérontologie
Urgences (1/3) : ce qui différencie le patient âgé à l’admission
Avant d’aborder la gestion des urgences par le personnel des EHPAD et de la constitution d’une dotation d’urgence en établissement, il fallait s’intéresser dans ce premier volet aux particularités de l’admission des personnes âgées de 75 ans et plus en service d’urgence. Ceci d’autant plus que, comme l’a rappelé le médecin urgentiste Patrick Pelloux le 13 mars aux Assises nationales des EHPAD à Paris, les situations gériatriques génèrent plus de la moitié des appels au Samu, ce qui justifierait une formation spécifique à cette population dans le futur diplôme national de permanencier.
Dans une enquête* effectuée le même jour de juin 2013 sur 736 points d’accueil d’urgences, la DREES a établi le profil particulier que constituent les personnes âgées admises aux urgences.
Des motifs d’admission multiples
Les personnes âgées sont davantage inscrites que les plus jeunes dans le système de soins et ont souvent entrepris des démarches médicales dans les 24 heures précédant leur recours aux urgences (dont le médecin libéral peut être à l’origine). La traumatologie constitue le premier motif d’admission aux urgences des personnes âgées (25 %), mais cela reste moindre que pour les patients plus jeunes. Les motifs cardiovasculaires (17 %) et généraux (12 %), tels que fièvre, fatigue, altération de l’état général, les troubles gastroentérologiques, respiratoires ou neurologiques sont évidemment plus fréquents qu’en population générale.
De fait, aux urgences, les personnes âgées ont en moyenne un tiers d’examens complémentaires (biologie et radiologie) en plus, par rapport à la population générale, pour un pourcentage de diagnostics identiques. Dans cette catégorie, on observe aussi davantage d’actes de soin (pansements, points de suture, aérosols, immobilisation des membres), d’avis spécialisés ou de passages par la salle d’accueil des urgences vitales (SAUV).
Un temps de passage aux urgences plus long
Du fait de situations plus complexes, les personnes âgées séjournent davantage que les jeunes (dans environ 20 % des cas) en unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD). Cette dernière fait partie intégrante du service d’urgence, permettant de réaliser les examens nécessaires et d’observer le patient avant de l’orienter vers un retour au domicile ou une hospitalisation.
Le temps de passage aux urgences des personnes âgées est bien plus long que celles des autres patients. Il se prolonge au-delà des huit heures pour le quart des patients. Les examens complémentaires et le séjour en UHCD rallongent en effet le temps de prise en charge.
Un recours plus fréquent à l’hospitalisation
A l’issue du passage aux urgences, plus de la moitié des patients âgés sont hospitalisés, quand près de 40 % sont de retour chez eux ou 5 % dans leur EHPAD. La probabilité d’hospitalisation à la sortie des urgences est 2,6 fois plus élevée que pour le reste de la population adulte. La majorité est orientée vers un service de médecine et pour 20 % en chirurgie, une très faible proportion étant admise en soins intensif ou en réanimation. Le délai entre la décision d’hospitalisation et l’obtention d’une place est supérieur à une heure pour le tiers des personnes âgées admises aux urgences.
Certains critères augmentent la probabilité d’être hospitalisé : le nombre d’examens complémentaires effectués et la nature des pathologies qui leur sont associées, le recours à un avis spécialisé, une atteinte cardiaque, digestive, neurologique ou respiratoire (plutôt qu’une lésion traumatique, moins fréquente) et son niveau de gravité, le fait de vivre seul au domicile, d’être âgé de 85 ans ou plus, l’arrivée en ambulance ou en taxi par rapport à un véhicule personnel. Enfin, la faible taille du point d’accueil des urgences ou le fait que ce point d’accueil se situe dans un établissement doté d’un service spécialisé de gériatrie augmentent la probabilité d’hospitalisation.
Applications :
- Solutions numériques et digitales dédiées à la prise en charge du patient âgé aux urgences.
- Organisation de l’admission aux urgences par les EHPAD.
*Les personnes âgées aux urgences : une patientèle au profil particulier. Etudes & résultats. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Numéro 1007, mars 2017.
Par Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil et formation en gérontologie
Benzodiazépines : accompagner le patient âgé à l’arrêt du traitement
Le mauvais sommeil et l’insomnie conduisent fréquemment les patients âgés à la pharmacie ou à la consultation médicale. La première peut prendre en charge les insomnies occasionnelles, la seconde les insomnies chroniques. Pour le médecin, il faudra d’abord distinguer la plainte, qui s’appuie souvent sur une situation normale d’évolution du sommeil en vieillissant (on met plus de temps pour s’endormir, on dort moins longtemps la nuit, on se réveille fréquemment) et le trouble du sommeil, ou insomnie à proprement parlé, occasionné par un facteur tel que dépression, apnée du sommeil, angor, RGO, douleur, hypoglycémie, adénome de la prostate, troubles cognitifs, anxiété, toux nocturne… Ces troubles devront faire en priorité l’objet d’une prise en charge.
Des règles de vie pour mieux s’endormir
Concernant l’insomnie et les difficultés de sommeil, le patient doit commencer par appliquer les règles générales qui favorisent l’endormissement : pas d’activités stimulantes comme du sport ou la consultation d’écrans avant le coucher, pas de bain chaud 2 à 3 heures avant le coucher, pas plus de 20 minutes de sieste en journée, horaires réguliers de coucher et surtout de lever…
Des recours médicamenteux sont envisageables, à travers la phytothérapie (passiflore, valériane, aubépine, houblon, mélisse, Escholtzia…) ou l’usage de la mélatonine, sous certaines réserves.
Parmi les autres solutions, ne pas oublier le magnésium et certaines huiles essentielles (mandarine, camomille, ylang-ylang, lavandin, verveine, petit grain bigaradier…).
Impliquer le patient dans son traitement anxiolytique
Faute de résultats suffisants jusqu’ici, les benzodiazépines et apparentés sont utilisés dans le traitement des troubles du sommeil et de l’insomnie. Pour le patient âgé de plus de 65 ans, les prescripteurs suivent les recommandations spécifiques émises en 2007 par la Haute Autorité de santé (HAS).
Elles prévoient dès son instauration d’impliquer le patient dans son traitement, lui expliquant sa durée et les modalités d’un arrêt progressif. Les benzodiazépines et apparentés sont prescrits en France pour une durée maximale de 12 semaines, sauf pour le zolpidem (Stilnox) qui suit un régime particulier : prescription limitée à 28 jours, rédigée en toute lettre sur ordonnance sécurisée et sans chevauchement sauf mention du médecin.
La nécessité d’une demi-vie courte
Ces benzodiazépines doivent disposer d’une demi-vie courte, c’est-à-dire de moins de 20 heures et ne pas présenter de métabolites actifs, qui allongent cette demi-vie. En pratique, il s’agit de l’oxazépam (Séresta), de l’alprazolam (Xanax), du lorazépam (Témesta) et du clotiazépam (Vératran), molécules indiquées dans le traitement symptomatique de l’anxiété.
Ces médicaments sont prescrits le soir à la moitié au plus de la dose adulte. L’avantage d’une demi-vie courte est de limiter l’exposition au principe actif à la nuit et donc d’éviter en journée les risques liés à cette administration, comme les chutes. Par ailleurs, une demi-vie courte peut entraîner chez un patient qui se sentirait insuffisamment couvert par l’effet anxiolytique au long de la journée la volonté de réitérer une prise.
Un arrêt progressif
Lorsque le patient est traité pour plus de 30 jours, les règles qui s’appliquent sont celles d’un arrêt progressif, étalé sur plusieurs semaines à plusieurs mois. L’objectif étant l’arrêt de la consommation, une diminution progressive de la posologie est considérée comme un résultat favorable. La HAS considère qu’à ce stade, il n’y a pas lieu de proposer de traitement médicamenteux substitutif, mais de favoriser les alternatives non médicamenteuses déjà évoquées.
Pour rappel, il n’y a pas lieu de prescrire de façon concomitante deux benzodiazépines. Par ailleurs, la doxylamine est proscrite chez le sujet âgé (notamment du fait de ses effets anticholinergiques) et en cas d’anxiété importante et persistante, le recours à un antidépresseur adapté doit être privilégié.
Trois étapes à respecter
En résumé, la démarche médicale consiste en trois étapes : évaluer les difficultés à l’arrêt, notamment du fait de facteurs associés (dépression, troubles cognitifs, surconsommation régulière d’alcool, etc.), initier un arrêt progressif (sur 4 à 10 semaines) et effectuer le suivi du patient de manière rapprochée (jusqu’à une semaine après l’arrêt) puis espacée (jusqu’à six mois après l’arrêt).
Vigilance sur l’automédication
Pour le Pr Sylvie Bonin-Guillaume, gériatre à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (Bouches-du-Rhône), « l’implication du patient doit être totale et il doit être accompagné sans faire preuve de rigidité ». Qu’il soit gériatre hospitalier ou médecin généraliste, le prescripteur peut indiquer sur l’ordonnance les modalités d’un sevrage progressif. « Le pharmacien pourra implicitement comprendre ce qui a été envisagé par le médecin et inciter le patient à aller dans ce sens.» Sylvie Bonin-Guillaume incite les officinaux à mettre en garde le patient vis-à-vis de l’automédication : « Une prescription de benzodiazépine bien suivie vaut mieux qu’une automédication mal maîtrisée et délétère chez un patient peu informé ».
Pour information, un calendrier de suivi de l’arrêt des benzodiazépines à destination du patient est proposé sur le site internet de la HAS.
Retrouvez le sujet du traitement de l’insomnie chez les patients âgés dans l’émission Le Mag des pharmaciens diffusée le jeudi 24 janvier 2019 sur Pharmaradio.
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Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil en gérontologie
Insomnies : quel usage de la mélatonine chez le patient âgé ?
Une personne âgée qui se plaint de mal dormir, c’est courant et c’est somme toute assez normal. En avançant dans l’âge, on met plus de temps pour s’endormir, on dort moins longtemps pendant la nuit, on se réveille plus fréquemment et on mémorise davantage les phases de réveil entre cycles de sommeil, d’où l’impression de mal dormir.
Des origines diverses
Au comptoir, face à une situation persistante, il faut inciter à la consultation, afin de distinguer ce qui relève d’une simple plainte et véritablement d’un trouble du sommeil ou insomnie. « Cette dernière peut avoir pour origine de l’anxiété ou une dépression, de l’apnée du sommeil, une maladie neurodégénérative, et donc être pris en charge par un médecin », pointe Sylvie Bonin-Guillaume, professeur en gériatrie à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (Bouches-du-Rhône). Certains traitements peuvent également être en cause dans l’insomnie : corticothérapie, antiparkinsoniens, certains bétabloquants…
Un médicament réservé aux seniors
A l’officine, les patients demandent une solution immédiate ou sont orientés par leur médecin, qui n’optera pas systématiquement pour des benzodiazépines et apparentés. Il pourra envisager une prescription de mélatonine, afin de favoriser l’endormissement. En France, la spécialité Circadin est disponible depuis une dizaine d’années au dosage de 2 mg de mélatonine. C’est la dose thérapeutique qui a ainsi été retenue par l’Agence du médicament. Peut-elle être utilisée chez les seniors ? Oui, justement, elle est indiquée dans le traitement de l’insomnie primaire chez les patients de 55 ans et plus. La spécialité inscrite sur liste II se présente sous forme de comprimés à libération prolongée. A prendre à raison de un comprimé le soir après le dîner, soit une à deux heures avant le coucher.
Un effet bénéfique relatif
La mélatonine à 2 mg par prise constitue un traitement à court terme, soit en général 3 semaines.
Pour la Haute Autorité de santé, ce médicament présente une efficience modeste sur la qualité du sommeil et sur le comportement au réveil. Le service médical rendu de Circadin est considéré comme faible. La revue Prescrire estime pour sa part en novembre 2018 que la mélatonine n’est pas plus efficace qu’un placebo à court terme. Pour certains cliniciens, comme le Dr Bruno Claustrat, biologiste des hôpitaux civils de Lyon (Rhône), la molécule produit un effet soporifique en prise unique mais devient un placebo les jours suivants (Le Moniteur des pharmacies, édition du 30 avril 2017). Selon lui, Circadin présente un effet bénéfique chez un patient pour trois, sans que l’on soit capable de l’expliquer. Concrètement, il est inutile de poursuivre le traitement au-delà de 3 jours si aucun effet ne se fait sentir.
Pas anodine la mélatonine
La mélatonine ne présente ni somnolence, ni accoutumance, ni effet rebond à l’arrêt, contrairement aux benzodiazépines et apparentés. Elle est généralement bien tolérée, même si les déclarations d’effets indésirables (90 entre 2009 et 2017 sur la base des compléments alimentaires) font ressortir des troubles cutanés, symptômes dépressifs, céphalées, cauchemars, tremblements, nausées, troubles du rythme cardiaque… Son usage est déconseillé chez l’enfant et la femme enceinte et le serait chez la personne âgée en cas de pathologies auto-immunes ou inflammatoires. La mélatonine entre notamment en interaction avec les quinolones, la fluvoxamine, la warfarine. Ils ont des indications proches mais le zolpidem et le zopiclone ne doivent pas être administrés en même temps que la mélatonine, car métabolisés par le même cytochrome 1A2.
Le pharmacien d’officine y veille, qui peut délivrer des compléments alimentaires à base de mélatonine. Mais ces précautions ne sont sûrement pas prises pour les achats de compléments alimentaires dans les autres circuits de distribution tels que la GMS, la parapharmacie, les magasins spécialisés et sites de vente en ligne. Au total, il se vend près de 1,5 million de compléments alimentaires contenant de la mélatonine par an en France. Fort heureusement, le patient âgé a davantage tendance à effectuer ce type d’achat en officine et à se conformer aux recommandations de son pharmacien. Il peut notamment aborder ce sujet des difficultés d’endormissement lors de son bilan partagé de médication.
Imbroglio réglementaire
Un certain nombre de compléments alimentaires sont proposés en officine, associant ou non des plantes sédatives. La mélatonine est à libération immédiate et à prendre juste avant de s’aliter. Le dosage des compléments alimentaires est inférieur à 2 mg par prise, le plus souvent de 1 mg. On peut aujourd’hui considérer que la mélatonine dosée à moins de 2 mg relève également de la liste II des substances vénéneuses, c’est-à-dire qu’elle ne peut théoriquement être délivrée sans ordonnance. C’est l’une des interprétations qui peuvent être faites de l’annulation en 2017 d’un décret de 2015 fixant la dose d’exonération à 1 mg. Elle n’est pas suivie d’effets en pratique. Pour lever le flou réglementaire, la dose d’exonération pourrait être prochainement portée à 2 mg par le ministère de la Santé. Dans l’attente, la prudence est requise, la vente s’effectue sous la responsabilité de l’officine en tenant compte des éléments de conseil pharmaceutique évoqués précédemment.
Retrouvez le sujet du traitement de l’insomnie chez les patients âgés dans l’émission Le Mag des pharmaciens le jeudi 24 janvier 2019 sur Pharmaradio.
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Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil en gérontologie