«La Mort de Louis XIV», le film d’une fin de vie en majesté
Dès l’ouverture du film, on guette ce que Louis XIV a conservé de sa superbe et du faste de son règne, alors qu’il aborde les deux dernières semaines de son existence. C’est un homme caressant ses chiens, un peu gâteux, à la voix rauque et éteinte, au langage peu emprunté, avec l’autorité de celui qui ne règne plus sur l’Europe, ne décide plus de rien, vocifère, déglutit, houspille en pleine nuit son serviteur.
Imperceptiblement, le film glisse en deux heures de cette situation d’inconfort, où le roi affaibli est encore exposé non loin de courtisans au huis clos de son cercle de médecins, d’ecclésiastiques et de valets en plans serrés. Le roi se meurt, mais son entourage table encore sur son « rétablissement », sa « guérison ».
Dans le clair-obscur de cette chambre au lit capitonné, le souverain regrette vainement ses dépenses et ses guerres, peine à trouver divertissement en observant un serin dans sa cage. Coiffé d’une perruque défraîchie, symbole de sa déchéance physique, donc royale, il ne se nourrit plus et boit à petites gorgées.
Digne mais défait, c’est lui-même qui décide que sa fin doit arriver. Son regard en porte déjà l’expression figée.
Autour de lui, on s’obstine encore, allant jusqu’à faire appel à un charlatan espagnol pour soulager ou tenter de guérir Sa Majesté. Querelles dans l’entourage, mais querelles « en dentelles », dans le calme et le silence que seules viennent troubler les oscillations d’une pendule. Et parfois les bruits du parc de Versailles, oiseaux de l’aurore et bétail égaré, préfigurant les divertissements et la fin sinistre d’une autre destinée, celle de Marie-Antoinette.
Terrassé par la gangrène, le roi s’éteint. Pour cet être divin, l’inexorable s’accomplit aussi. Sans que pour lui non plus l’on sache vraiment, dans sa lente agonie, où commence la mort et où s’arrête la vie.
« La Mort de Louis XIV » d’Albert Serra. Avec Jean-Pierre Léaud. En salles.