Les professionnels de santé appelés à faire reculer la fatalité de la douleur
71 % des seniors considèrent qu’il est normal d’avoir mal à partir d’un certain âge, souligne une enquête* menée par CSA Research pour le laboratoire Sanofi auprès de 500 personnes de plus de 65 ans.
Cette fatalité affichée expliquerait que les seniors tardent à consulter, a estimé Serge Perrot, rhumatologue à l’hôpital Cochin (Paris) et vice-président de la SFETD (société française de l’étude et du traitement de la douleur), lors de la conférence de présentation de ces résultats le 31 mai 2016.
Car ils ont mal, ces seniors. 83 % d’entre eux ont souffert au cours de l’année écoulée. Et les douleurs les plus fréquentes touchent à la mobilité : articulaires (53 % des cas), dorsales (44 %) et musculaires (32 %). A noter que, pour autant, seulement un patient sur trois ne se considère pas en bonne santé.
La douleur des seniors est l’affaire des professionnels de santé, jugent les personnes interrogées. Près de 3 seniors sur 4 souhaitent davantage d’explications de leur part et 79 % des sondés attendent une meilleure coordination entre professionnels pour prendre en charge la douleur. Moins de la moitié des patients déclarent avoir bénéficié d’une visite de suivi de leur douleur après la première consultation.
Cette attente de la part des patients n’a rien de surprenant. Même si la lutte contre la douleur s’est développée, certains médecins ne proposent pas forcément de traitement antalgique lors que cela s’avèrerait nécessaire. A noter que cette enquête a été menée sur un échantillon restreint et présentée par Sanofi, dont la gamme de paracétamol constitue un best-seller en France.
* Menée auprès de 5OO personnes de plus de 65 ans, interrogées du 18 au 25 avril 2016 par téléphone avec un questionnaire de 20 minutes composé de questions fermées uniquement.
A qui et comment proposer la PDA à l’officine ?
Le laboratoire de génériques Mylan met actuellement à disposition des pharmacies un guide pratique sur la préparation des doses à administrer (PDA). Ce laboratoire, qui propose des conditionnements de médicaments en flacons et en blisters unitaires, spécifiques à cette activité de production, incite les officines au développement de la PDA tant automatisée que manuelle.
Mais comment proposer ce service à l’officine ? Et d’abord à qui ?
Concernant la PDA destinée au domicile, le guide recommande de la proposer en particulier à ceux pour lesquels les risques d’inobservance sont élevés, à savoir les patients âgés, polymédiqués (plus de 5 molécules par jour), désorientés (dépressifs, psychotropes), ayant un traitement complexe, atteints d’une maladie silencieuse (HTA, diabète, dyslipidémie), pour lesquels le respect des horaires de prise est très incertain et/ou le risque d’oubli est élevé, dont l’arrêt du traitement peut provoquer un effet rebond (bêtabloquants, psychotropes) et encore greffés. Une approche attentive de ces profils de patients révèle qu’ils sont assez nombreux à l’officine.
Les conjoints ou enfants d’un patient au domicile sont également concernés par cette proposition de service, de même que les voisins, amis ou aidants à domicile.
Les infirmiers seront informés de la possibilité d’un recours à la PDA, surtout s’ils préparent eux-mêmes des piluliers (ce qu’ils rechignent parfois à faire faute de temps).
Dans son document, Mylan préconise donc d’identifier les professionnels de santé travaillant à proximité de l’officine et de les informer de ce service, par exemple en les contactant directement par téléphone. Des outils de communication, comme des vitrophanies, sont mis à disposition, ainsi que des argumentaires à remettre au patient. Il est recommandé d’exposer un pilulier pour concrétiser ce service et également d’annoncer son coût ! Celui-ci pourrait s’établir entre 3 et 5 euros par semaine.
Peut-on écraser ce comprimé ?
La Société française de pharmacie clinique (SFPC) met à jour chaque année sa liste nationale des médicaments per os concernant l’écrasement des comprimés et l’ouverture des gélules.
La dernière version du document a été établie en novembre 2015 par le groupe de travail Gérontologie de la SFPC, en collaboration avec l’OMéDIT Haute Normandie. Ce travail s’appuie sur les RCP (résumés des caractéristiques du produit) et les notices des médicaments.
L’approche est distincte selon la forme galénique. Les comprimés à libération modifiée (libération prolongée, gastrorésistants) ne peuvent pas être broyés. De même les capsules molles ne peuvent être ni écrasées ni coupées. En raison de leur toxicité, il ne faut pas écraser les comprimés ni ouvrir les gélules cytotoxiques.
Mais les recommandations dépendent bien-sûr également des principes actifs. A titre d’exemple, le spironolactone possède un goût très désagréable. Il est donc indiqué de l’administrer en suspension dans un liquide tel un sirop. Quant à la clomipramine, elle est sensible à la lumière et doit être administrée immédiatement. Et l’indométacine doit être prise au milieu du repas.
Concernant les bonnes pratiques d’administration, il est ainsi indiqué que le matériel doit être nettoyé après écrasement entre chaque utilisation. Un masque et des gants sont requis dans la mesure du possible. De plus, l’administration après ouverture des gélules ou broyage des comprimés doit toujours se faire immédiatement pour éviter l’altération du principe actif. Les comprimés doivent être écrasés le plus finement possible. Il faut en outre éviter de mélanger les médicaments entre eux du fait d’une possible interaction. Les médicaments sont administrés l’un après l’autre. Important : il faut éviter d’utiliser un récipient intermédiaire entre l’écrasement et la transfert dans la substance-véhicule. Sinon, en utiliser un sans relief, comportant le nom du patient et du médicament.
Portrait-robot du patient goutteux
Touchant près de 1 % de la population, la goutte n’est pas seulement une maladie articulaire. Le patient hyperuricémique avec dépôts d’urate présente par ailleurs des comorbidités importantes, confirme l’étude observationnelle Adagio menée par le laboratoire Menarini auprès de 630 médecins généralistes et 1441 patients sous traitement de fond de la goutte depuis au moins 3 mois. Cette étude a été présentée lors d’une conférence de presse le 9 février 2016.
Le patient type est un homme âgé de 64 ans (+/-11,4 ans). Il est en surcharge pondérale (85 %), hypertendu (70 %) et dyslipidémique (62 %) Ce patient type peut présenter un diabète de type 2 (23,5 %), être fumeur (22 %) et insuffisant rénal (10,5 %). Dans 17 % des cas, il peut souffrir conjointement d’une HTA, d’un diabète de type 2 et d’une dyslipidémie. Au final, près d’un patient sur deux (43,6 %) souffre d’au moins une comorbidité selon Charlson.
Il est à noter que ce patient type prend 4,9 comprimés par jour (+/-3,5).
Dans 15,5 % des cas, il peut présenter plus de deux crises articulaires chaque année. Et fait préoccupant, dans 58 % des cas ce patient présente une uricémie supérieure à 60 mg/L, soit au-dessus de l’objectif thérapeutique. L’uricémie ne fait d’ailleurs pas l’objet d’un contrôle dans 19 % des cas.
Le mésusage et l’inobservance seraient en cause dans ce mauvais résultat, même si 80 % des patients suivis affirment se conformer à leur prescription. Les principaux facteurs d’observance dans le cas des patients hyperuricémiques avec dépôts d’urate sont : être âgé de plus de 70 ans, contrôler régulièrement son uricémie, comprendre et bien tolérer son traitement antigoutte, prendre un faible nombre de comprimés chaque jour.
Prévention du risque médicamenteux : l’expérience toulousaine
La société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) a édité un Livre blanc sur la fragilité du sujet âgé qui sera diffusé à l’occasion de son 3ème congrès francophone sur l’évaluation de la fragilité du sujet âgé, organisé les 12 et 13 mars 2015 à Paris.
Dans ce document de référence de près de 200 pages qui couvre tous les aspects de cette problématique, un chapitre est intitulé « Fragilité et prescriptions médicamenteuses inappropriées ».
Ce document fait état des travaux menés au Gérontopôle de Toulouse. Une étude descriptive transversale a été menée auprès de patients admis en hôpital de jour et en situation de fragilité et de risque de dépendance entre janvier et avril 2014, à l’hôpital La Grave. Elle montre l’impact des prescriptions médicales potentiellement inappropriées chez ces patients, c’est-à-dire lorsque le rapport bénéfice/risque du médicament est défavorable.
L’analyse a porté sur les ordonnances de 229 patients. Le type d’intervention le plus fréquemment proposé par les pharmaciens hospitaliers spécialisés en gériatrie était la réévaluation d’indication de médicaments pour lequel l’indication n’était pas fondée, souligne le Livre blanc de la SFGG. Cette intervention concernait dans un tiers des cas la classe pharmacologique des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). « En effet, chez les sujets âgés, les IPP sont fréquemment prescrits au long cours, hors AMM et sans indication médicale valide », souligne le document.
Par ailleurs, la redondance pharmacologique la plus fréquente concernait la prescription concomitante de 2 diurétiques ou plus (pour 5,2 % des patients). Dans cette cohorte, 6 patients présentaient une contre-indication à l’usage d’un médicament et 3 au moins une interaction médicamenteuse majeure.
L’étude au Gérontopôle de Toulouse a montré qu’au moins une optimisation de l’ordonnance dans un but préventif et/ou de réversibilité de la fragilité était possible pour près de 71 % des patients. Actuellement, rappelle la SFGG, sans analyse pharmaceutique systématique, le tiers des patients hospitalisés à la plateforme Fragilité du CHU de Toulouse bénéficient de proposition de changement de prise en charge thérapeutique. En 2015, le centre hospitalier va évaluer l’intérêt d’une telle analyse au sein de cette plateforme. Des propositions d’optimisation thérapeutique seront transmises par courrier, après concertation avec les gériatres, aux médecins traitants. Ces derniers en tiendront-ils compte ? Une étude prospective permettra de l’évaluer.
Effets indésirables : peu spécifiques et peu signalés
« Les effets indésirables sont deux fois plus fréquents après 65 ans », indique Marie-Claude Guelfi, pharmacien-chef à l’hôpital Sainte-Perrine (Paris), le samedi 18 octobre2014 au Congrès national des pharmaciens de Cannes-Mandelieu.
Ces effets iatrogènes surviennent dans deux types de circonstances. D’abord lors d’un changement de traitement médicamenteux : ajout, augmentation de dose, automédication, changement de traitement et notamment dans le cas de la substitution par des marques de génériques différentes. Ces effets peuvent également survenir lors d’un changement dans la vie de la personne âgée : hospitalisation, maladie aigüe, déménagement, séparation, deuil, perte de poids, forte chaleur.
Effets inaperçus
La difficulté du diagnostic vient du fait que les symptômes sont finalement peu spécifiques. Ils peuvent donner lieu à une chute, un syndrome confusionnel, des troubles digestifs, une asthénie, un malaise… Mineurs, ils peuvent passer inaperçus, mis sur le compte du vieillissement. Et ces effets indésirables se perdent souvent dans de nombreuses plaintes somatiques. « Les deux tiers des effets indésirables ne sont pas signalés par les personnes âgées », estime Marie-Claude Guelfi.