Maladie d’Alzheimer : comment mieux communiquer avec le patient ?
Comment communiquer auprès de patients atteints de maladies neurocognitives ? Une question incontournable en gérontologie abordée par le Dr Sylvie Pariel, responsable du département des soins ambulatoires à l’hôpital Charles Foix d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), lors du colloque « Nouvelles approches des maladies neurocognitives » organisé mardi 21 mai à Paris.
Les patients touchés par le déclin cognitif et notamment la maladie d’Alzheimer éprouvent des difficultés dans la compréhension des messages et le traitement des informations.
Cela nécessite donc, pour le soignant qui s’adresse à ces patients :
Sur le fond :
- D’expliquer au maximum la situation, ce qui est en train de se passer, afin de limiter la survenue de troubles du comportement au cours de la consultation.
- De se recentrer sur ce que sont les préoccupations des patients.
- De ne dispenser qu’un seul message à la fois et le répéter si nécessaire d’une autre manière, en utilisant des mots simples pour être compréhensible.
Sur la forme :
- Parler avec le patient et pas seulement avec l’aidant qui l’accompagne.
- Montrer en même temps que de parler, au moyen de gestes simples et doux.
- Etablir un contact visuel avec le patient et parler à même hauteur que lui (pas de rapport descendant comme lors des visites médicales en chambre).
- Ne jamais monter le ton, parler posément.
- Prendre le temps, rester calme.
- Respecter un espace interpersonnel et ne pas forcément toucher le patient.
Lors de consultations mémoire, le patient est accompagné d’un ou de plusieurs aidants et le médecin doit aussi développer une communication adaptée à leur égard. Souvent, l’aidant s’épuise, souffre d’isolement social, de troubles dépressifs et éprouve en outre de la culpabilité de ne pas savoir gérer les situations. Il n’adopte pas forcément les bonnes attitudes, par méconnaissance de la maladie et peut aggraver les troubles du comportement chez le patient qu’il accompagne. Menaces et propos négatifs (« si tu ne manges pas, je ne viendrai pas te voir la semaine prochaine » ou « tu fais n’importe quoi, comment veux-tu aller mieux ? ») sont à proscrire. Des programmes d’éducation thérapeutique sont ainsi dispensés aux proches aidants.
Exerçant également à l’hôpital Charles Foix, le Dr Christophe Bouché estime pour sa part que « parfois respecter le patient, le faire exister, c’est lui répondre sèchement ». Pour ce psychiatre qui s’est exprimé lors du colloque sur le thème de la violence des patients envers les soignants, « plus on est cohérent avec un patient, plus il sera rassuré. Le problème est quand il n’y a pas de limites ».
Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil & formation en gérontologie
Urgences (1/3) : ce qui différencie le patient âgé à l’admission
Avant d’aborder la gestion des urgences par le personnel des EHPAD et de la constitution d’une dotation d’urgence en établissement, il fallait s’intéresser dans ce premier volet aux particularités de l’admission des personnes âgées de 75 ans et plus en service d’urgence. Ceci d’autant plus que, comme l’a rappelé le médecin urgentiste Patrick Pelloux le 13 mars aux Assises nationales des EHPAD à Paris, les situations gériatriques génèrent plus de la moitié des appels au Samu, ce qui justifierait une formation spécifique à cette population dans le futur diplôme national de permanencier.
Dans une enquête* effectuée le même jour de juin 2013 sur 736 points d’accueil d’urgences, la DREES a établi le profil particulier que constituent les personnes âgées admises aux urgences.
Des motifs d’admission multiples
Les personnes âgées sont davantage inscrites que les plus jeunes dans le système de soins et ont souvent entrepris des démarches médicales dans les 24 heures précédant leur recours aux urgences (dont le médecin libéral peut être à l’origine). La traumatologie constitue le premier motif d’admission aux urgences des personnes âgées (25 %), mais cela reste moindre que pour les patients plus jeunes. Les motifs cardiovasculaires (17 %) et généraux (12 %), tels que fièvre, fatigue, altération de l’état général, les troubles gastroentérologiques, respiratoires ou neurologiques sont évidemment plus fréquents qu’en population générale.
De fait, aux urgences, les personnes âgées ont en moyenne un tiers d’examens complémentaires (biologie et radiologie) en plus, par rapport à la population générale, pour un pourcentage de diagnostics identiques. Dans cette catégorie, on observe aussi davantage d’actes de soin (pansements, points de suture, aérosols, immobilisation des membres), d’avis spécialisés ou de passages par la salle d’accueil des urgences vitales (SAUV).
Un temps de passage aux urgences plus long
Du fait de situations plus complexes, les personnes âgées séjournent davantage que les jeunes (dans environ 20 % des cas) en unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD). Cette dernière fait partie intégrante du service d’urgence, permettant de réaliser les examens nécessaires et d’observer le patient avant de l’orienter vers un retour au domicile ou une hospitalisation.
Le temps de passage aux urgences des personnes âgées est bien plus long que celles des autres patients. Il se prolonge au-delà des huit heures pour le quart des patients. Les examens complémentaires et le séjour en UHCD rallongent en effet le temps de prise en charge.
Un recours plus fréquent à l’hospitalisation
A l’issue du passage aux urgences, plus de la moitié des patients âgés sont hospitalisés, quand près de 40 % sont de retour chez eux ou 5 % dans leur EHPAD. La probabilité d’hospitalisation à la sortie des urgences est 2,6 fois plus élevée que pour le reste de la population adulte. La majorité est orientée vers un service de médecine et pour 20 % en chirurgie, une très faible proportion étant admise en soins intensif ou en réanimation. Le délai entre la décision d’hospitalisation et l’obtention d’une place est supérieur à une heure pour le tiers des personnes âgées admises aux urgences.
Certains critères augmentent la probabilité d’être hospitalisé : le nombre d’examens complémentaires effectués et la nature des pathologies qui leur sont associées, le recours à un avis spécialisé, une atteinte cardiaque, digestive, neurologique ou respiratoire (plutôt qu’une lésion traumatique, moins fréquente) et son niveau de gravité, le fait de vivre seul au domicile, d’être âgé de 85 ans ou plus, l’arrivée en ambulance ou en taxi par rapport à un véhicule personnel. Enfin, la faible taille du point d’accueil des urgences ou le fait que ce point d’accueil se situe dans un établissement doté d’un service spécialisé de gériatrie augmentent la probabilité d’hospitalisation.
Applications :
- Solutions numériques et digitales dédiées à la prise en charge du patient âgé aux urgences.
- Organisation de l’admission aux urgences par les EHPAD.
*Les personnes âgées aux urgences : une patientèle au profil particulier. Etudes & résultats. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Numéro 1007, mars 2017.
Par Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil et formation en gérontologie
Insomnies : quel usage de la mélatonine chez le patient âgé ?
Une personne âgée qui se plaint de mal dormir, c’est courant et c’est somme toute assez normal. En avançant dans l’âge, on met plus de temps pour s’endormir, on dort moins longtemps pendant la nuit, on se réveille plus fréquemment et on mémorise davantage les phases de réveil entre cycles de sommeil, d’où l’impression de mal dormir.
Des origines diverses
Au comptoir, face à une situation persistante, il faut inciter à la consultation, afin de distinguer ce qui relève d’une simple plainte et véritablement d’un trouble du sommeil ou insomnie. « Cette dernière peut avoir pour origine de l’anxiété ou une dépression, de l’apnée du sommeil, une maladie neurodégénérative, et donc être pris en charge par un médecin », pointe Sylvie Bonin-Guillaume, professeur en gériatrie à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (Bouches-du-Rhône). Certains traitements peuvent également être en cause dans l’insomnie : corticothérapie, antiparkinsoniens, certains bétabloquants…
Un médicament réservé aux seniors
A l’officine, les patients demandent une solution immédiate ou sont orientés par leur médecin, qui n’optera pas systématiquement pour des benzodiazépines et apparentés. Il pourra envisager une prescription de mélatonine, afin de favoriser l’endormissement. En France, la spécialité Circadin est disponible depuis une dizaine d’années au dosage de 2 mg de mélatonine. C’est la dose thérapeutique qui a ainsi été retenue par l’Agence du médicament. Peut-elle être utilisée chez les seniors ? Oui, justement, elle est indiquée dans le traitement de l’insomnie primaire chez les patients de 55 ans et plus. La spécialité inscrite sur liste II se présente sous forme de comprimés à libération prolongée. A prendre à raison de un comprimé le soir après le dîner, soit une à deux heures avant le coucher.
Un effet bénéfique relatif
La mélatonine à 2 mg par prise constitue un traitement à court terme, soit en général 3 semaines.
Pour la Haute Autorité de santé, ce médicament présente une efficience modeste sur la qualité du sommeil et sur le comportement au réveil. Le service médical rendu de Circadin est considéré comme faible. La revue Prescrire estime pour sa part en novembre 2018 que la mélatonine n’est pas plus efficace qu’un placebo à court terme. Pour certains cliniciens, comme le Dr Bruno Claustrat, biologiste des hôpitaux civils de Lyon (Rhône), la molécule produit un effet soporifique en prise unique mais devient un placebo les jours suivants (Le Moniteur des pharmacies, édition du 30 avril 2017). Selon lui, Circadin présente un effet bénéfique chez un patient pour trois, sans que l’on soit capable de l’expliquer. Concrètement, il est inutile de poursuivre le traitement au-delà de 3 jours si aucun effet ne se fait sentir.
Pas anodine la mélatonine
La mélatonine ne présente ni somnolence, ni accoutumance, ni effet rebond à l’arrêt, contrairement aux benzodiazépines et apparentés. Elle est généralement bien tolérée, même si les déclarations d’effets indésirables (90 entre 2009 et 2017 sur la base des compléments alimentaires) font ressortir des troubles cutanés, symptômes dépressifs, céphalées, cauchemars, tremblements, nausées, troubles du rythme cardiaque… Son usage est déconseillé chez l’enfant et la femme enceinte et le serait chez la personne âgée en cas de pathologies auto-immunes ou inflammatoires. La mélatonine entre notamment en interaction avec les quinolones, la fluvoxamine, la warfarine. Ils ont des indications proches mais le zolpidem et le zopiclone ne doivent pas être administrés en même temps que la mélatonine, car métabolisés par le même cytochrome 1A2.
Le pharmacien d’officine y veille, qui peut délivrer des compléments alimentaires à base de mélatonine. Mais ces précautions ne sont sûrement pas prises pour les achats de compléments alimentaires dans les autres circuits de distribution tels que la GMS, la parapharmacie, les magasins spécialisés et sites de vente en ligne. Au total, il se vend près de 1,5 million de compléments alimentaires contenant de la mélatonine par an en France. Fort heureusement, le patient âgé a davantage tendance à effectuer ce type d’achat en officine et à se conformer aux recommandations de son pharmacien. Il peut notamment aborder ce sujet des difficultés d’endormissement lors de son bilan partagé de médication.
Imbroglio réglementaire
Un certain nombre de compléments alimentaires sont proposés en officine, associant ou non des plantes sédatives. La mélatonine est à libération immédiate et à prendre juste avant de s’aliter. Le dosage des compléments alimentaires est inférieur à 2 mg par prise, le plus souvent de 1 mg. On peut aujourd’hui considérer que la mélatonine dosée à moins de 2 mg relève également de la liste II des substances vénéneuses, c’est-à-dire qu’elle ne peut théoriquement être délivrée sans ordonnance. C’est l’une des interprétations qui peuvent être faites de l’annulation en 2017 d’un décret de 2015 fixant la dose d’exonération à 1 mg. Elle n’est pas suivie d’effets en pratique. Pour lever le flou réglementaire, la dose d’exonération pourrait être prochainement portée à 2 mg par le ministère de la Santé. Dans l’attente, la prudence est requise, la vente s’effectue sous la responsabilité de l’officine en tenant compte des éléments de conseil pharmaceutique évoqués précédemment.
Retrouvez le sujet du traitement de l’insomnie chez les patients âgés dans l’émission Le Mag des pharmaciens le jeudi 24 janvier 2019 sur Pharmaradio.
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Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil en gérontologie
Dépendance iatrogène : une mise en garde aux hospitaliers
Dans un communiqué en date du 22 avril, la société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) n’y va pas par quatre chemins : « Les soins qu’on apporte aux personnes âgées pendant leur séjour hospitalier peuvent être plus délétères que bénéfiques ».
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