Le mauvais sommeil et l’insomnie conduisent fréquemment les patients âgés à la pharmacie ou à la consultation médicale. La première peut prendre en charge les insomnies occasionnelles, la seconde les insomnies chroniques. Pour le médecin, il faudra d’abord distinguer la plainte, qui s’appuie souvent sur une situation normale d’évolution du sommeil en vieillissant (on met plus de temps pour s’endormir, on dort moins longtemps la nuit, on se réveille fréquemment) et le trouble du sommeil, ou insomnie à proprement parlé, occasionné par un facteur tel que dépression, apnée du sommeil, angor, RGO, douleur, hypoglycémie, adénome de la prostate, troubles cognitifs, anxiété, toux nocturne… Ces troubles devront faire en priorité l’objet d’une prise en charge.
Des règles de vie pour mieux s’endormir
Concernant l’insomnie et les difficultés de sommeil, le patient doit commencer par appliquer les règles générales qui favorisent l’endormissement : pas d’activités stimulantes comme du sport ou la consultation d’écrans avant le coucher, pas de bain chaud 2 à 3 heures avant le coucher, pas plus de 20 minutes de sieste en journée, horaires réguliers de coucher et surtout de lever…
Des recours médicamenteux sont envisageables, à travers la phytothérapie (passiflore, valériane, aubépine, houblon, mélisse, Escholtzia…) ou l’usage de la mélatonine, sous certaines réserves.
Parmi les autres solutions, ne pas oublier le magnésium et certaines huiles essentielles (mandarine, camomille, ylang-ylang, lavandin, verveine, petit grain bigaradier…).
Impliquer le patient dans son traitement anxiolytique
Faute de résultats suffisants jusqu’ici, les benzodiazépines et apparentés sont utilisés dans le traitement des troubles du sommeil et de l’insomnie. Pour le patient âgé de plus de 65 ans, les prescripteurs suivent les recommandations spécifiques émises en 2007 par la Haute Autorité de santé (HAS).
Elles prévoient dès son instauration d’impliquer le patient dans son traitement, lui expliquant sa durée et les modalités d’un arrêt progressif. Les benzodiazépines et apparentés sont prescrits en France pour une durée maximale de 12 semaines, sauf pour le zolpidem (Stilnox) qui suit un régime particulier : prescription limitée à 28 jours, rédigée en toute lettre sur ordonnance sécurisée et sans chevauchement sauf mention du médecin.
La nécessité d’une demi-vie courte
Ces benzodiazépines doivent disposer d’une demi-vie courte, c’est-à-dire de moins de 20 heures et ne pas présenter de métabolites actifs, qui allongent cette demi-vie. En pratique, il s’agit de l’oxazépam (Séresta), de l’alprazolam (Xanax), du lorazépam (Témesta) et du clotiazépam (Vératran), molécules indiquées dans le traitement symptomatique de l’anxiété.
Ces médicaments sont prescrits le soir à la moitié au plus de la dose adulte. L’avantage d’une demi-vie courte est de limiter l’exposition au principe actif à la nuit et donc d’éviter en journée les risques liés à cette administration, comme les chutes. Par ailleurs, une demi-vie courte peut entraîner chez un patient qui se sentirait insuffisamment couvert par l’effet anxiolytique au long de la journée la volonté de réitérer une prise.
Un arrêt progressif
Lorsque le patient est traité pour plus de 30 jours, les règles qui s’appliquent sont celles d’un arrêt progressif, étalé sur plusieurs semaines à plusieurs mois. L’objectif étant l’arrêt de la consommation, une diminution progressive de la posologie est considérée comme un résultat favorable. La HAS considère qu’à ce stade, il n’y a pas lieu de proposer de traitement médicamenteux substitutif, mais de favoriser les alternatives non médicamenteuses déjà évoquées.
Pour rappel, il n’y a pas lieu de prescrire de façon concomitante deux benzodiazépines. Par ailleurs, la doxylamine est proscrite chez le sujet âgé (notamment du fait de ses effets anticholinergiques) et en cas d’anxiété importante et persistante, le recours à un antidépresseur adapté doit être privilégié.
Trois étapes à respecter
En résumé, la démarche médicale consiste en trois étapes : évaluer les difficultés à l’arrêt, notamment du fait de facteurs associés (dépression, troubles cognitifs, surconsommation régulière d’alcool, etc.), initier un arrêt progressif (sur 4 à 10 semaines) et effectuer le suivi du patient de manière rapprochée (jusqu’à une semaine après l’arrêt) puis espacée (jusqu’à six mois après l’arrêt).
Vigilance sur l’automédication
Pour le Pr Sylvie Bonin-Guillaume, gériatre à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (Bouches-du-Rhône), « l’implication du patient doit être totale et il doit être accompagné sans faire preuve de rigidité ». Qu’il soit gériatre hospitalier ou médecin généraliste, le prescripteur peut indiquer sur l’ordonnance les modalités d’un sevrage progressif. « Le pharmacien pourra implicitement comprendre ce qui a été envisagé par le médecin et inciter le patient à aller dans ce sens.» Sylvie Bonin-Guillaume incite les officinaux à mettre en garde le patient vis-à-vis de l’automédication : « Une prescription de benzodiazépine bien suivie vaut mieux qu’une automédication mal maîtrisée et délétère chez un patient peu informé ».
Pour information, un calendrier de suivi de l’arrêt des benzodiazépines à destination du patient est proposé sur le site internet de la HAS.
Retrouvez le sujet du traitement de l’insomnie chez les patients âgés dans l’émission Le Mag des pharmaciens diffusée le jeudi 24 janvier 2019 sur Pharmaradio.
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Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil en gérontologie