Le déremboursement des médicaments symptomatiques de la maladie d’Alzheimer, depuis le 1er août, ne manquera pas d’entraîner un report des prescriptions vers des traitements psychotropes. Ceux-ci étaient déjà souvent utilisés dans le cadre de cette pathologie. Lors du 1er congrès de la Société francophone de psychogériatrie et de psychiatrie de la personne âgée (SF3PA), qui se tenait les 20 et 21 septembre à Marseille, le Dr Nicolas Hoertel, psychiatre, a exposé les choix thérapeutiques qu’il est amené à réaliser à l’hôpital Corentin Celton d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
« Nous avons élaboré une proposition d’algorithme pour la prise en charge du patient atteint de troubles neurocognitifs majeurs, qui touchent plus de la moitié des patients de plus de 85 ans », explique-t-il. Cette prise en charge consiste donc d’abord à évaluer l’environnement du patient et la gravité des troubles comportementaux. Puis, en premier lieu, une approche non pharmacologique est mise en œuvre, s’appuyant notamment sur l’accompagnement des aidants, telle que recommandée par la Haute Autorité de santé dans son guide de parcours de soins mis en ligne en mai dernier. Cette approche est difficile à mettre en œuvre, faute de temps disponible et de formation suffisante du personnel soignant.
Lorsqu’il s’agit d’envisager un traitement médicamenteux, il est défini selon le symptôme cible et le choix est fondé sur le rapport bénéfice/risque du médicament, indique le psychiatre.
En premier lieu, ce sont les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS), tels que le citalopram (efficace sur l’agitation et la variabilité de l’humeur), l’escitalopram et la sertraline (malgré une installation lente de l’effet), ainsi que la miansérine qui sont prescrits. Attention aux effets indésirables : hyponatrémie et allongement de l’espace QT. La mélatonine peut être administrée, à raison de 2,5 à 3 mg par jour, dans le cas de troubles du sommeil associés. En première intention médicamenteuse restent prescrits les anticholinestérasiques (donépézil, galantamine, rivastigmine) et la mémantine, dont l’effet est possible au plan cognitif.
Actifs sur l’agressivité et l’agitation, les antipsychotiques atypiques constituent une deuxième ligne thérapeutique : aripiprazole, quétiapine, olanzapine, clozapine, rispéridone (en traitement de courte durée et malgré que la Haute Autorité de santé ait estimé en 2014 que cette molécule n’a plus sa place dans le traitement de l’agressivité du patient Alzheimer)… Leur action est significative sur le patient Alzheimer, indépendamment de l’effet sédatif, indique le Dr Nicolas Hoertel. Attention toutefois aux effets indésirables : infections urinaires, respiratoires et un risque d’accident vasculaire grave triplé en cas de fibrillation auriculaire.
Les antipsychotiques conventionnels, tel que l’halopéridol, n’ont pas d’action prouvée.
En troisième intention, le recours à la carbamazépine (malgré de nombreuses interactions médicamenteuses potentielles et un risque de toxicité hématologique), à la lamotrigine (efficacité potentielle) et à l’électroconvulsivothérapie (ECT) est envisagé. L’ECT, qui consiste à provoquer une crise convulsive par électrostimulation, est indiquée dans les épisodes dépressifs caractérisés, présents en association à la maladie, de forte intensité et résistants aux traitements médicamenteux. En dépit d’effets indésirables (confusion, céphalées, myalgies diffuses, bradycardie…), l’ECT est considérée comme généralement bien tolérée (pas de persistance des effets indésirables) et très efficace dans son indication (jusqu’à 4 fois plus que les traitements médicamenteux).
Enfin, la gabapentine ou le lithium en add-on sont administrés aux patients pour lesquels les traitements précédents ne seraient pas parvenus à venir à bout des troubles constatés.
Par ailleurs, les benzodiazépines sont souvent prescrites, uniquement à très court terme et en cas d’anxiété majeure : oxazépam, diazépam, lorazépam, alprazolam. Ces médicaments peuvent entraîner une majoration paradoxale de l’agitation.
Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie