
Les acteurs des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) se sont livrés mardi 2 octobre à Paris, à l’occasion du Silver Show, à une réflexion sur leurs difficultés au plan du recrutement de personnel et de leur image de marque. Par ailleurs, ils relativisent de plus en plus l’intérêt du médicament à l’usage du patient Alzheimer et sont critiques sur les outils numériques et informatiques qu’ils utilisent.
Des difficultés de recrutement
Les EHPAD rencontrent des difficultés avec leur personnel : l’absentéisme peut atteindre jusqu’à 25 % des effectifs et la moitié des établissements peinent à recruter. D’abord à cause de salaires, proches du Smic, peu élevés et donc peu attractifs. « Nous avons des difficultés à être compétitifs en zone limitrophe avec d’autres pays, comme le Luxembourg », complète Maryse Duval, directrice générale du groupe SOS Seniors.
En outre, indique Monique Rolland, directrices des opérations seniors France Nord de Korian, « il faut donner des perspectives à nos collaborateurs, leur tracer un parcours de formation et de carrière ». A ce titre, Pierre Thuret, directeur opérationnel d’Adecco Medical, incite les directeurs d’établissement à tenir compte des aspirations et du mode de vie des jeunes d’aujourd’hui (appartenant à la génération Y et Z) et de soigner leur « marque employeur », notamment sur les réseaux sociaux comme Facebook. « Sortez de l’organisation normée et faite de contraintes, changez de mode managérial, valorisez vos collaborateurs », conseille-t-il encore. Du point de vue de Johan Girard, administrateur à la FNAQPA (Fédération nationale Avenir et Qualité de vie des personnes âgées), il y a une injonction paradoxale entre la demande au personnel de favoriser l’autonomie des résidents et les restrictions sur la propre autonomie du personnel des EHPAD. Le secteur est également délaissé du fait de la frustration de ne pas pouvoir mener à bien ses tâches de manière souhaitable, et notamment la toilette, rappelle le gériatre Jean-Marie Vetel.
Une image de marque délétère
L’émission Envoyé Spécial diffusée sur France 2 le 27 septembre a eu un effet désastreux sur l’image des EHPAD auprès du grand public. « Les plus marqués, ce sont les équipes qui travaillent en EHPAD, mais aussi les résidents et les familles qui nous ont dit : on ne vous a pas reconnus dans cette émission », rapporte Jean-Christophe Romersi, directeur médicosocial France du groupe Orpéa. Les professionnels du secteur dénoncent une campagne à charge, basée sur des faits non objectifs. « Il est certain qu’aller en EHPAD, ce n’est pas aller faire une croisière. Il y a des réalités qui sont dures », souligne Benjamin Zimmer, directeur associé de Silver Alliance, qui veut initier une contre-offensive collective. Ce déficit d’image ne date pas d’aujourd’hui et d’autres émissions de télévision sont en préparation qui enfoncent le clou. Pour Romain Glizome, directeur général de AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), « nous sommes passés depuis le début de l’année, avec les mouvements de personnel en EHPAD, du « regardez comme ils sont mauvais » à « regardez comme ils sont impliqués mais ils n’ont pas les moyens financiers de bien faire ». Cette émission ne fait donc pas de l’EHPAD-bashing mais de l’Etat-bashing ».
Florence Airnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, estime de son côté que l’Etat n’est pas à mettre en cause, au regard des efforts produits pour le secteur de la personne âgée depuis l’épisode caniculaire de 2003. « Dans cette émission, tout est faux, il y a un déséquilibre d’informations, c’est de la manipulation », estime-t-elle, évoquant un recours auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel et une possible action en justice.
Pour Bernard Bensaïd, président de Doctegestio, l’explication de ce rejet est plus profonde : « La société française éprouve une grande culpabilité à ne pas s’occuper de ses seniors. Et dire « je paie et je n’ai pas ce que j’attends », c’est une façon d’atténuer cette culpabilité ».
Moins de médicaments
« Le seul moyen pour un médecin de clore une consultation, c’est de cracher une ordonnance. Le patient âgé est atteint de 8 maladies en moyenne, à raison de 3 médicaments par maladie, cela fait 24 médicaments », tacle, un brin excessif, le gériatre Jean-Marie Vetel.
L’excès et le mauvais usage des médicaments constituent un fléau, en particulier dans les EHPAD. Face à la maladie d’Alzheimer, pour laquelle les médicaments symptomatiques sont désormais déremboursés et dans la lignée des recommandations de la Haute Autorité de santé sur la question, les thérapies non médicamenteuses arrivent en première ligne dans le traitement des patients atteints de déclin cognitif. Aussi, de nombreuses initiatives ont été présentées : musicothérapie, thérapie olfactive (permettant de retrouver des souvenirs par le parfum), activités sportives adaptées, ateliers théâtre ou tricot, recours aux animaux ou art-thérapie. Les actions intergénérationnelles sont désormais largement déployées au sein d’établissements. A souligner, la naissance d’EHPAD conçus en bois, entièrement orientés vers le bien-être et la nature et le label Humanitude, axé sur le maintien des capacités des personnes sur la base de plans personnalisés (travail sur le regard, la parole, le toucher et la verticalité). Pour recréer du lien avec l’extérieur, les résidences seniors et EHPAD du groupe Emera mettent en avant une action originale : la circulation de « valises culturelles », qui se remplissent de cartes postales, de disques de musique et de produits alimentaires caractéristiques d’une région et circulent d’une maison de retraite à l’autre. Ceci pour faire voyager d’une autre manière les résidents.
Par ailleurs, le secteur des EHPAD plaide pour une meilleure coordination entre les groupes d’établissements publics, privés, associatifs et avec les services administratifs du médicosocial. Les représentants du secteur demandent également une interopérabilité effective entre logiciels employés dans les établissements et avec leurs prestataires, de même qu’une clarification de l’offre foisonnante des objets connectés.
Matthieu Vandendriessche, recherche & conseil dans le domaine thérapeutique du patient âgé
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Bonjour,
je suis heureuse que vous présentiez en premier la musicothérapie dans les solutions non-médicamenteuses ! Notre borne Mélo, musicale interactive, est présente depuis 10 ans dans les EHPAD. Il s’agit d’utiliser les effets de la musique pour créer une qualité de vie agréable autant pour les personnes âgées que pour le personnel. Les activités et fonctions que nous développons sont connectés aux besoins du terrain et nous souhaitons développer des synergies « développement/recherche » pour accroître l’utilisation de la musique en EHPAD. Car c’est la seule activité que l’on peut utiliser jusqu’au bout de la vie !