Les aidants familiaux seraient entre 8 et 11 millions actuellement en France à s’occuper d’un ou de plusieurs proches en situation de maladie, de dépendance ou de handicap. Quel soutien peuvent-ils trouver en pharmacie ? Comment les officinaux peuvent-ils les accueillir et les accompagner au mieux ?
Une santé mise en difficulté
Les aidants familiaux sont amenés à se rendre régulièrement dans les pharmacies pour leur proche et peuvent à cette occasion exprimer une plainte. Selon le 4e Baromètre des aidants BVA Fondation April publié en septembre, près de 4 aidants sur 10 affirment ressentir du stress et de l’anxiété du fait de leur situation. Le tiers des aidants ont un sommeil perturbé, tandis que des douleurs physiques, dont le mal de dos, sont présentes dans 30% des cas et une dépression survient pour 10 % des aidants. De manière générale, pour obtenir un soutien, cette population sait pouvoir le trouver auprès de son médecin généraliste (35 % des réponses) et de l’infirmier (30 %), qu’il soit libéral ou en EHPAD. La pharmacie, qui n’a pas été proposée parmi les items dans cette enquête, figure certainement dans la catégorie « autres professionnels », dotée de 15 % des réponses.
Repérer les signes de détresse
L’officine ne serait pas encore suffisamment identifiée comme un relais de soutien pour les aidants. Il lui revient donc de s’engager davantage dans cette démarche. C’est le cas notamment de Juliette Le Rouge, pharmacien titulaire à Annequin (Pas-de-Calais), qui recommande en premier lieu d’être attentif aux signaux physiques (yeux rouges, amaigrissement, marques de fatigue, etc.) et psychologiques (changement d’humeur) des aidants qui se présentent au comptoir ou avec leur proche âgé lors d’un bilan de médication partagé. Puis de faire prendre conscience à ces aidants qu’ils en sont, car selon le Baromètre des aidants BVA Fondation April, seulement 36 % se qualifient comme tels du fait d’une culpabilité. Il faut ensuite les amener à parler d’eux et évaluer leurs difficultés par des questions ouvertes comme « comment cela se passe-t-il pour vous au quotidien ? ».
Répondre à leurs besoins spécifiques
Ainsi, par exemple, 30% des aidants expriment un besoin d’aide pour les soins et l’administration de médicaments que le pharmacien peut combler en confectionnant un pilulier à l’attention du patient. L’action officinale vis-à-vis des aidants consiste aussi à les orienter vers les structures médicosociales ou associatives qui pourront leur apporter un soutien. A défaut, on peut leur indiquer une source d’informations qui répertorie les coordonnées de ces services.
« Lorsque c’est le cas, il s’agit de considérer les aidants comme des patients à part entière », indique Juliette Le Rouge. C’est-à-dire identifier leurs maux et y trouver une réponse en incitant au besoin à la consultation médicale.
Pour aller plus loin dans leur accompagnement, les pharmaciens peuvent suivre des formations mises en place notamment par l’Association française des aidants. Celle-ci propose sur son site web un guide sur la santé des aidants et une à deux journées de formation sur le thème de la prise en charge, notamment au plan de la santé.
A l’hôpital également
Selon le 4e Baromètre des aidants, seulement 13% des aidants sont interrogés sur leur santé lorsqu’ils accompagnent leur proche en consultation à l’hôpital. A l’automne 2016, à Lyon, des pharmaciens hospitaliers ont participé à une étude regroupant 240 binômes de patients et aidants. Baptisée Pharmaid, menée pendant 18 mois, elle a montré l’intérêt de proposer à l’aidant venu accompagner le patient en consultation mémoire un entretien initial puis des ateliers collectifs et individuels d’éducation thérapeutique sur le bon usage du médicament et l’observance. Cette action s’applique à l’aidant pour lui-même ou dans son accompagnement du proche patient. Elle a été conduite en lien avec les équipes médicales et paramédicales hospitalières qui abordaient d’autres versants de cette prise en charge. Pour Christelle Mouchoux, pharmacien hospitalier aux Hospices civils de Lyon qui a participé à l’étude, les informations relatives aux aidants pourraient être transmises (avec l’accord des personnes concernées) vers les pharmaciens d’officine. Ces derniers pourraient alors mener en relais avec les hospitaliers des bilans de médication sur le modèle de ceux qu’ils pratiquent actuellement pour les patients âgés. Un nouveau champ d’application pour cette mission lancée en officine en 2018 !
Sur ce sujet des aidants à l’officine, retrouvez mon intervention dans le Mag des pharmaciens diffusé à partir du jeudi 13 décembre sur Pharmaradio.
Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil en gérontologie