Personnel, financement, services : de nouvelles marches à franchir pour les EHPAD
Passé le stade du constat, le syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (Synerpa) a présenté jeudi 6 décembre ses propositions pour faire évoluer le financement et le fonctionnement des EHPAD, des résidences services seniors (RSS) et des services d’aide à domicile (SAD) à l’horizon 2030. En effet, si à son origine le Synerpa représentait uniquement les établissements pour personnes âgées, il s’est ouvert en 2015 aux RSS et SAD.
La plateforme de propositions du syndicat a été dévoilée par Jean-Alain Margarit, président et Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa. Elle couvre trois axes : l’offre du secteur, le recrutement de personnel et le financement.
Une offre de services plus performante
Les EHPAD voudraient pouvoir aller beaucoup plus loin que leur périmètre d’activités actuel pour devenir des plateformes de soins et de services : accueil et services soignants et non soignants de proximité (animation, restauration, espace bien-être, etc.), accompagnement et soins au domicile aux alentours de l’EHPAD, lieu d’information voire de coordination en local, plateforme d’aide aux aidants, centre de prévention et de promotion du bien vieillir…
Pour faciliter l’extension de ces prestations, une demande d’autorisation globale devrait pouvoir être déposée. Le Synerpa déplore en effet le manque de souplesse et de rapidité dans le traitement des démarches réalisées à ce jour par les EHPAD (appels à projets, autorisations administratives, etc.). Un décloisonnement serait bénéfique entre le sanitaire et le médicosocial mais aussi au sein du secteur médicosocial, par exemple entre EHPAD et services de soins infirmiers au domicile (SSIAD), entre RSS et services d’aide et d’accompagnement au domicile (SAAD), entre SSIAD et accueil de jour, appuie Florence Arnaiz-Maumé, précisant que des opérateurs se positionnent à la fois sur l’offre au domicile et l’EHPAD, pour « créer un parcours avec le moins de ruptures possibles ».
Les EHPAD ont vocation à se médicaliser davantage (60 % des résidents sont touchés par le déclin cognitif) et se présentent comme un dispositif préventif à certaines hospitalisations inutiles, notamment par le développement de la télémédecine, de l’hospitalisation à domicile et la généralisation de la présence d’infirmiers en EHPAD durant la nuit. Ces établissements peuvent également devenir des « sas de sortie hospitalière » avant le retour au domicile.
Une évaluation interne et externe de la qualité des prestations (selon un référentiel et des indicateurs nationaux) doit se mettre en place, en toute transparence pour les consommateurs.
Un personnel motivé et qualifié
Le phénomène n’est pas seulement français : les EHPAD ne parviennent pas à recruter suffisamment. Pour la rendre plus attractive, le Synerpa met en avant une filière qui se spécialise par le biais de la formation (en gériatrie, gérontologie, accompagnement en fin de vie, approches non médicamenteuses, etc.) et soucieuse de la qualité de vie au travail et de l’évolution de carrière de ses salariés. Des passerelles pourraient se mettre en place entre filières professionnelles (EHPAD, RSS et domicile).
Une campagne de communication et de sensibilisation aux métiers du grand âge pourrait être lancée à l’initiative du gouvernement. Des actions spécifiques pourraient cibler les publics scolaires.
Les EHPAD doivent pouvoir recruter davantage de médecins coordonnateurs, renforcer leurs missions, et mieux reconnaître la fonction d’infirmier coordonnateur (IDEC). « Il faudrait créer une fonction intermédiaire entre l’aide-soignant et l’infirmier. Sur le modèle de l’infirmier de pratique avancée, le niveau de certains aides-soignants pourrait être relevé, réduisant ainsi le différentiel de compétences entre les deux professions », indique Jean-Alain Margarit. Par ailleurs, l’accompagnement du résident devrait être plus ciblé en s’appuyant sur les professionnels que sont les ergothérapeutes, psychologues, diététiciens, psychomotriciens. Ces derniers pourraient par exemple intervenir lors de la prise d’un repas.
Un financement mieux orienté
Le secteur doit pouvoir améliorer le ratio de personnels soignants en regard du nombre de résidents (33 pour 100 lits en France, contre 40 en Espagne et 38 en Allemagne). Pour financer cette évolution, le Synerpa ne soutient pas la piste d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale spécifique à la dépendance. « Il faut rendre efficient ce qui existe déjà et mieux orienter les budgets. De nombreuses économies pourraient être réalisées, en optant notamment pour certaines simplifications », estime Jean-Alain Margarit. Pas envisagée non plus, la création d’un guichet unique pour l’obtention de soutiens financiers publics, qui pourrait être difficile d’accès du fait de sa saturation.
Pour assurer le financement, plusieurs solutions sont mises sur la table : revenir à une tarification binaire (hébergement et soins/dépendance), impliquer mutuelles et assurances, faire payer davantage les résidents qui en ont les moyens, etc.
Par ailleurs, même si l’offre est aujourd’hui adaptée en termes de capacité d’accueil, de nouvelles constructions et une rénovation de certains EHPAD (essentiellement publics) doivent être envisagées.
Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, conseil en gérontologie
L’Etranger d’Albert Camus et la mère abandonnée
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. (suite…)
La salle des lamentations, déroutante et peu connue des EHPAD
Un espace de totale liberté où tout peut être dit sans être répété, où retentissent des cris, des insultes, des pleurs : la salle des lamentations est encore très peu connue et implantée en France au sein des EHPAD. (suite…)
Proust et la vieillesse en toute fin de la Recherche (3/3)
L’été ne joue pas les prolongations ! Reste la lecture pour contourner les premiers effets de la rentrée… Invitée de gerontofficine.com, Laurence Grenier, ex-pharmacienne éprise de l’œuvre de Marcel Proust, « A la recherche du temps perdu », a sélectionné la toute fin du roman pour évoquer la vieillesse et le ressenti du temps qui s’est écoulé :
« J’éprouvais un sentiment de fatigue profonde à sentir que tout ce temps si long non seulement avait sans une interruption été vécu, pensé, sécrété par moi, qu’il était ma vie, qu’il était moi-même, mais encore que j’avais à toute minute à le maintenir attaché à moi, qu’il me supportait, que j’étais juché à son sommet vertigineux, que je ne pouvais me mouvoir sans le déplacer avec moi.
La date à laquelle j’entendais le bruit de la sonnette du jardin de Combray, si distant et pourtant intérieur, était un point de repère dans cette dimension énorme que je ne savais pas avoir. J’avais le vertige de voir au-dessous de moi et en moi pourtant, comme si j’avais des lieues de hauteur, tant d’années.
Je venais de comprendre pourquoi le duc de Guermantes, dont j’avais admiré, en le regardant assis sur une chaise, combien il avait peu vieilli bien qu’il eût tellement plus d’années que moi au-dessous de lui, dès qu’il s’était levé et avait voulu se tenir debout, avait vacillé sur des jambes flageolantes comme celles de ces vieux archevêques sur lesquels il n’y a de solide que leur croix métallique et vers lesquels s’empressent les jeunes séminaristes, et ne s’était avancé qu’en tremblant comme une feuille sur le sommet peu praticable de quatre-vingt-trois années, comme si les hommes étaient juchés sur de vivantes échasses grandissant sans cesse, parfois plus hautes que des clochers, finissant par leur rendre la marche difficile et périlleuse, et d’où tout d’un coup ils tombent. Je m’effrayais que les miennes fussent déjà si hautes sous mes pas, il ne me semblait pas que j’aurais encore la force de maintenir longtemps attaché à moi ce passé qui descendait déjà si loin, et que je portais si douloureusement en moi ! Si du moins il m’était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l’idée s’imposait à moi avec tant de force aujourd’hui, et j’y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes – entre lesquelles tant de jours sont venus se placer – dans le Temps.»
Décès en EHPAD : l’essor des espaces de recueillement
Lors du décès d’un résident, un espace spécifique peut être mis à disposition des familles et des équipes au sein d’un EHPAD. (suite…)
L’EHPAD, un repoussoir pour plus d’un Français sur 2
Pour 56 % des Français, l’image des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est mauvaise. C’est le résultat du Baromètre santé 360 réalisé auprès de 1002 personnes représentatives par Odoxa et diffusé début juillet. A contrario, 60 % des personnes sondées affirment avoir une bonne image des personnels de santé qui oeuvrent dans les EHPAD.
Dans le même temps, les directeurs d’EHPAD ont une juste perception, quoique surestimée, de l’image de leurs établissements. Interrogés par Odoxa (219 directeurs d’hôpitaux et d’EHPAD), ils estiment que les Français ont une mauvaise image des EHPAD à 69 % et une bonne image de leurs personnels à 84 %.
Si l’image des EHPAD est mauvaise pour une majorité de Français, ce serait notamment le fait du manque de financement dont souffrent ces établissements, qu’ils soient publics ou privés. D’ailleurs, les sondés ne s’y trompent pas, qui estiment à 84 % que les EHPAD ne disposent pas de suffisamment de moyens.
Selon Philippe Denormandie, directeur santé de MNH Group et ancien directeur général adjoint du groupe d’EHPAD et de cliniques Korian, « le mot EHPAD est détestable ». Selon lui, il y a un décalage entre la perception de la population générale, défavorable, et celle des résidents et de leurs familles, qui est bonne.
Plus encore, c’est l’assimilation à la solitude et à la mort qui peut contribuer à ce rejet. « Cela renvoit au sujet sociétal de comment on valorise et on met en avant la mort. Il faut constater par ailleurs que la notion de fin de vie n’est pas mal perçue », souligne Philippe Denormandie.
L’image des EHPAD est aussi étroitement liée aux échos de maltraitance qui peut y être pratiquée. Comme en témoigne le récit de la journaliste Florence Aubenas, « On ne les met pas au lit, on les jette : enquête sur le quotidien d’une maison de retraite », paru dans Le Monde du 18 juillet 2017.
Fin de vie : qui sont ceux qui ont le plus peur ?
Cela n’a rien d’étonnant, la fin de vie est source d’angoisses pour nos concitoyens. Plus intéressant : le détail de ce qui ferait peur aux Français dans les derniers moments de l’existence.
Cela n’a rien d’étonnant, la fin de vie est source d’angoisses pour nos concitoyens. Plus intéressant : le détail de ce qui ferait peur aux Français dans les derniers moments de l’existence. Selon une vaste enquête sur le sujet* menée par l’institut Ifop pour la fondation Adrea et dévoilée mardi 22 novembre, c’est d’abord perdre la tête qui inquiète le plus (pour 55 % des répondants), en lien avec l’entrée dans la dépendance (53 % des répondants). Cela n’exclut pas la maladie et la souffrance physique, qui constituent un second groupe de réponses avec respectivement 43 % et 46 % des adhésions. Dans un troisième bloc, le manque de ressources (36 % des réponses) côtoie la solitude (34 %) et la souffrance morale (33 %) souvent associée à cette dernière.
Il est d’abord intéressant de constater que c’est la perte de lucidité, de la conscience de soi et des autres, qui effrayent davantage qu’une solitude ou une souffrance physique dont on aurait pleinement conscience et qui sembleraient alors plus supportables en comparaison avec la déchéance mentale et physique.
Parmi les répondants, 7 % redoutent l’ensemble des situations présentées. Et ceux qui ont coché toutes les cases sont davantage les jeunes de 18 à 34 ans (10 %), que des seniors de 65 à 74 ans (4 %) ou de plus de 75 ans (7 %). Comme si l’éloignement avec cette période délicate de la vie en rendant le spectre encore plus insupportable…
La fin de vie et ses affres font davantage peur aux professions intermédiaires (catégorie située entre les cadres et les agents d’exécution), soit 11 % des répondants, et aux ouvriers (10 % des répondants), peut-être dans la perspective de devoir supporter les charges financières qui pourraient leur incomber au cours des dernières années de l’existence. Les travailleurs indépendants et les CSP + sont moins nombreux (2 % et 6 %) à se montrer anxieux sur l’ensemble des points énoncés.
Certainement du fait des messages portés par leur religion, les répondants se disant catholiques sont 6 % à redouter l’ensemble des facteurs d’anxiété, tandis que les « sans religion » le sont à hauteur de 10 %.
Par ailleurs, est-ce l’effet d’une anxiété plus générale, les sympathisants du Front national sont 11 % à redouter l’ensemble des facteurs énoncés, contre 4 % pour les sympathisants du Front de gauche ou du Parti socialiste.
*Enquête menée auprès d’un échantillon de 1002 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus.
«La Mort de Louis XIV», le film d’une fin de vie en majesté
Dès l’ouverture du film, on guette ce que Louis XIV a conservé de sa superbe et du faste de son règne, alors qu’il aborde les deux dernières semaines de son existence. C’est un homme caressant ses chiens, un peu gâteux, à la voix rauque et éteinte, au langage peu emprunté, avec l’autorité de celui qui ne règne plus sur l’Europe, ne décide plus de rien, vocifère, déglutit, houspille en pleine nuit son serviteur.
Imperceptiblement, le film glisse en deux heures de cette situation d’inconfort, où le roi affaibli est encore exposé non loin de courtisans au huis clos de son cercle de médecins, d’ecclésiastiques et de valets en plans serrés. Le roi se meurt, mais son entourage table encore sur son « rétablissement », sa « guérison ».
Dans le clair-obscur de cette chambre au lit capitonné, le souverain regrette vainement ses dépenses et ses guerres, peine à trouver divertissement en observant un serin dans sa cage. Coiffé d’une perruque défraîchie, symbole de sa déchéance physique, donc royale, il ne se nourrit plus et boit à petites gorgées.
Digne mais défait, c’est lui-même qui décide que sa fin doit arriver. Son regard en porte déjà l’expression figée.
Autour de lui, on s’obstine encore, allant jusqu’à faire appel à un charlatan espagnol pour soulager ou tenter de guérir Sa Majesté. Querelles dans l’entourage, mais querelles « en dentelles », dans le calme et le silence que seules viennent troubler les oscillations d’une pendule. Et parfois les bruits du parc de Versailles, oiseaux de l’aurore et bétail égaré, préfigurant les divertissements et la fin sinistre d’une autre destinée, celle de Marie-Antoinette.
Terrassé par la gangrène, le roi s’éteint. Pour cet être divin, l’inexorable s’accomplit aussi. Sans que pour lui non plus l’on sache vraiment, dans sa lente agonie, où commence la mort et où s’arrête la vie.
« La Mort de Louis XIV » d’Albert Serra. Avec Jean-Pierre Léaud. En salles.