
Outre quelques évidences, aucune conclusion ne peut être vraiment tirée de l’expérimentation sur la dispensation d’antibiotiques à l’unité. Portant sur des thérapies courtes, elle est parfois confondue avec la préparation des doses à administrer, qui s’adresse à des traitements chroniques.
Mené par l’Inserm entre novembre 2014 et novembre 2015 dans 100 officines, dont 75 ont réalisé ce déconditionnement, ce travail a fait l’objet d’une publication le 19 septembre dans la revue scientifique Plos One. Il avait plusieurs objectifs décrits dans un arrêté en octobre 2014 :
-la délivrance d’antibiotiques à l’unité peut faciliter l’observance des patients et réduire l’utilisation postérieure d’antibiotiques. En effet, et c’était attendu, parmi les 984 patients ayant reçu des médicaments à l’unité, neuf sur dix se disent observants, contre les deux tiers seulement des patients ayant reçu les médicaments sous conditionnement d’origine. Ce résultat doit être relativisé. Il est évident que toute démarche personnalisée auprès du patient ne peut que favoriser l’adhésion au traitement. De plus, les patients, recrutés dans les officines participantes, devaient d’abord donner leur accord pour intégrer l’expérimentation et ensuite pour être contacté par téléphone au terme de leur traitement. On peut supposer que les personnes non convaincues de l’intérêt de la démarche aient été écartées d’emblée. Par ailleurs, les constats sont établis à partir des déclarations des patients. Une expérience menée à l’aide de piluliers connectés eut certainement été plus fiable.
-la délivrance d’antibiotiques à l’unité peut contribuer à réduire le nombre d’unités non consommées à recycler, ou rejetées dans l’environnement, et pourrait contribuer à l’objectif de réduction des résistances bactériennes aux antibiotiques. C’est le cas : la dispensation à l’unité a permis de réduire de 10 % en moyenne le nombre de comprimés délivrés, avec 23 comprimés dispensés en conditionnement d’origine contre 20 à l’unité. C’est non négligeable mais peu finalement au regard d’une dispensation à l’unité qui s’avère nécessaire dans 60 % des prescriptions. Cette nécessité fréquente serait surtout liée au non-respect des durées de traitement prévues. Pour l’association amoxicilline-acide clavulanique, en effet, près d’une dizaine d’indications existent, tandis qu’une seule posologie quotidienne est recommandée. Les durées de traitement sont donc très variables. Les résistances aux antibiotiques ne peuvent évidemment pas être évaluées à travers cette étude. Par ailleurs, lors de l’enquête téléphonique, 17,6 % des patients répondeurs ont déclaré qu’ils conserveraient ce qui leur reste, 10,7 % ont admis qu’ils pourraient les utiliser sans accord de leur médecin et 13 % ont indiqué qu’ils jettent les médicaments non utilisés.
-la délivrance d’antibiotiques à l’unité modifie la charge de travail du pharmacien et l’organisation des officines. La publication n’apporte pas d’éléments sur ce point, qui était pourtant l’un des objectifs de l’enquête par le questionnement aux équipes officinales réalisant la dispensation à l’unité. Il est tout de même indiqué que la démarche génère une augmentation de la charge de travail des pharmaciens, qui devront accéder à une rémunération supplémentaire. On considère que cette préparation nécessite 5 à 10 minutes de travail supplémentaire sur une ordonnance.
-la délivrance d’antibiotiques à l’unité peut permettre la diminution des volumes dispensés comparée à une délivrance habituelle et avoir de ce fait un impact sur les finances de l’assurance maladie via une diminution des remboursements. Là encore, le lien semble évident. Aucune évaluation chiffrée n’est présentée dans la publication. Pour évaluer l’économie, il suffirait de multiplier les comprimés non délivrés par leur coût à l’unité… Mais quelle est l’économie si la démarche aboutit à une rémunération supplémentaire pour le travail réalisé ?
Au final, cette expérimentation ne fait que confirmer une évidence : entamer une démarche de suivi personnalisé ne peut que favoriser l’adhésion à un traitement. Mais a-t-on pour ce faire la nécessité d’une dispensation à l’unité ? Par ailleurs, il faudrait déterminer précisément, outre certains antibiotiques, les spécialités pour lesquelles les conditionnements sont très mal adaptés aux prescriptions médicales. Et envisager dans de rares cas un éventuel déconditionnement pour assurer leur dispensation.
Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, journaliste